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Yoga et botanique…réflexions

septembre 12, 2016 9:57 am - 2 Comentaires

Cette réflexion est née de l’envie de relier l’observation de la nature avec l’observation de soi. De partager la réflexion biologique et philosophique de l’humain à  la nature, du microcosme au macrocosme.

Le mot Yoga signifie l’union du soi au soi universel

Mais qu’est-ce que le Soi ?
Qu’est-ce qui le sépare du non-soi ?

Pour ébaucher une réponse à  la question du Soi et du non-Soi, j’ai choisi de partir de la plus petite entité autonome qui nous constitue: la cellule.

cellule

« Les cellules sont les structures fondamentales dont se compose tout organisme vivant, des plantes unicellulaires jusqu’aux animaux supérieurs, qui en possèdent plusieurs centaines de millions. L’être humain, avec ces quelques 50 000 millions de cellules, commence son existence sous la forme d’une cellule unique, nouvellement fécondée.
La cellule se compose de trois éléments principaux ; une membrane, un noyau et un cytoplasme. La membrane sépare l’environnement externe de la cellule, qui contient les nutriments dont elle a besoin, de l’environnement interne, constitué du cytoplasme et du noyau. Il faut donc que les nutriments la traversent. Une fois à  l’intérieur, ils sont métabolisés et transformés en énergie. Les déchets produits lors de ce processus traversent à  leur tour la membrane, mais en sens inverse. Aussi tout défaut de perméabilité conduit-il à  brève échéance à  la mort de la cellule, par inanition ou auto-intoxication. Cette observation selon laquelle tout être vivant absorbe des nutriments, offre une bonne base pour comprendre le terme de prana, qui désigne à  l’origine la chose dont le vivant se nourrit, puis, par extension, l’action de se nourrir.» Leslie Kaminoff « Yoga, anatomie et mouvements», VIGOT, p1-2

Ainsi, pour fonctionner, la membrane cellulaire doit offrir un juste équilibre entre rétention (stabilité) et perméabilité. Elle doit à  la fois être suffisamment séparée de son environnement par une enveloppe (la membrane cellulaire) et à  la fois permettre les échanges (perméabilité). De même, en tant qu’êtres humains, nous sommes séparés de notre environnement par une enveloppe (la peau) qui permet néanmoins des échanges avec l’extérieur. Nous sommes à  la fois séparés et reliés au monde extérieur. L’air que nous respirons, l’eau que nous buvons, les aliments que nous absorbons constituent des éléments externes à  nous, externes au Soi. Ils peuvent néanmoins pénétrer notre corps et lui permettre de fonctionner par la combustion de l’air dans les cellules et par l’utilisation des sucres, graisses, sels minéraux et oligo-éléments pour assurer les fonctions basiques de notre corps liées au systèmes nerveux, digestif, musculaire, etc.

Pour décrire ce mécanisme d’absorption d’éléments externes au Soi, le yoga utilise le terme « Prana »:

PRANA : Pra > «avant» (-pré) –  An > l’action de respirer, souffler ou vivre.

L’air est l’élément vital nécessaire au fonctionnement de la cellule. Une fois entré dans la cellule, il y est utilisé et les déchets (ici, le gaz carbonique) de cette utilisation doivent pouvoir sortir de la cellule. La notion yogique qui fait pendant au prana est celle d’apana, qui de la même manière, désigne à  la fois la chose éliminée et l’action d’éliminer.

APANA : Apa > évoque l’idée d’éloignement, d’élimination  –  An > l’action de respirer, souffler ou vivre.

Ces deux termes yogiques clés “ prana et apana “ correspondent aux deux fonctions premières du vivant : l’absorption et l’élimination.

La condition à  la pérennité de la cellule est l’ Équilibre entre stabilité et perméabilité  SHTIRA / SUKHA
Certaines conditions doivent être réunies au sein de la cellule pour que les nutriments (prana) puissent entrer, et les déchets (apana) sortir. La membrane doit être perméable, c’est à  dire permettre le passage dans un sens et dans un autre mais pas au point de faire perdre à  la paroi cellulaire son intégrité. Autrement, la cellule risque, soit d’exploser sous l’action de la pression interne, soit d’imploser sous l’action de la pression externe. Dans la cellule (comme ailleurs dans tout être vivant), la stabilité est le principe qui contre-balance la perméabilité. Les termes yogiques reflétant cette polarité sont shtira et sukha.

SHTIRA signifie «dur», «solide», «compact», « robuste», «durable» ou «permanent». Le français, qui appartient au groupe des langues indo-européennes, possède certains mots, comme stable, statique ou stase, qui lui sont apparentés.
SUKHA signifie à  l’origine «avoir un bon trou de vis», c’est-à -dire un espace central fait de telle manière que tout fonctionne bien ; par extension, le mot a pris le sens de «facile», « bien huilé», «agréable» ou «doux».

Pour pouvoir se maintenir, tout être vivant doit trouver l’équilibre entre rétention et perméabilité, rigidité et plasticité, constance et adaptation, espace et limitation.

Les artéfacts réussis se caractérisent, eux aussi, par un équilibre entre shtira et sukha, par exemple la passoire, dont les trous sont suffisamment gros pour laisser passer l’eau et assez petits pour retenir les spaghettis, ou le pont suspendu, assez souple pour résister aux rafales et aux séismes et suffisamment stable pour supporter le tablier et tout ce qui passe dessus.

Le lien avec la philosophie SAMKHYA et le YOGA…

On voit donc comment l’observation de la cellule, unité fondamentale du vivant, suffit à  éclairer les notions fondamentales du yoga prana/apana et shtira/sukha. Faisons un petit détour philosophique. Prenons l’une des 6 écoles philosophiques indiennes: le Samkhya, très proche du yoga. Selon le Samkhya, la souffrance vient de la confusion entre la nature changeante (Prakrti) et la perfection, l’âme (Purusa). Pour se connaître, Purusa s’unit à  Prakrti. Autrement dit, l’âme s’incarne dans un corps (pris au sens large, une enveloppe) pour mieux se connaître. Et cette incarnation du Purusa peut se retrouver aussi bien dans un humain, que dans un brin d’herbe ou un poisson au fond de l’océan! Tout le monde vivant (végétaux, animaux, bactéries, champignons, etc.) et non-vivant (la pierre, l’eau, le feu…) est constitué à  la fois d’éléments matériels (Prakrti) et immatériels (le Purusa).

J’ai donc eu envie d’observer plus attentivement les notions de Soi et de non-Soi pour les cellules animales et végétales afin d’élargir la réflexion du monde animal (microcosme) à  l’environnement plus global (macrocosme) pour finalement revenir sur cette définition du Yoga en tant qu’union de la nature avec l’âme, du corps avec l’esprit, de l’infiniment petit avec l’infiniment grand. Pour cette partie-ci, je me suis librement laissée inspirée par les écrits et conférences d’un botaniste passionné et passionnant: Francis Hallé (voir réf. en fin d’article).

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Mésange rémiz sur une massette

 

Nous avons pris en exemple une cellule animale, une cellule humaine. Qu’en est-il si nous observons d’autres formes de cellules? les cellules végétales par exemple? Sont-elles différentes? similaires? est-ce que ces notions de soi et non-soi ont-elles du sens pour la vie végétale? j’ai trouvé passionnant de me pencher sur ce sujet un peu plus attentivement, vous allez vite comprendre que les végétaux ont un mode d’organisation bien différent du nôtre….

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Luzula campestris

 

Notion d’individu et de colonie : histoire de la cellule à  l’individu
Dans tout le vivant, la notion d’individu, et donc aussi celle du soi et du non-soi, varie selon les règnes (végétal, animal, champignons, bactéries, etc.). Prenons la comparaison entre le règne végétal et le règne animal, comme Francis Hallé le fait si bien dans son livre « Eloge de la plante » :

« Dès la fécondation de la cellule animale ou végétale, et avant même que l’oeuf ne se segmente, de grands axes, qui structurent l’organisme pendant toute sa vie sont mis en place à  un stade extrêmement précoce ». (Francis Hallé)

Ex. de la capselle bourse à pasteur (fleur de la famille des brassicacée – famille du chou) et du xénope (batracien)

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On observe les similitudes des cellules animales et végétales mais aussi les nombreuses différences: (j’emprunte les dessins du livre de Francis Hallé nommé plus haut)

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Au moment de la multiplication cellulaire, les cellules animales sont bien distinctes l’une de l’autre (en haut), alors que la multiplication cellulaire pour les végétaux se déroule sans qu’il y ait une séparation totale des cellules soeurs (il reste une paroi commune).

 

 

 

 

 

 

 

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à gauche, une cellule animale, après fécondation, se multiplie de façon concentrique alors que la cellule végétale, à droite, se développe par étage, en hauteur.

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et en suivant l’évolution du développement cellulaire, on obtient, à gauche un organisme pluricellulaire de forme plutôt ronde/carré – d’un volume concentré (le xénope en formation) et à droite, un organisme pluricellulaire de forme plutôt allongée (la bourse à pasteur en formation)

 

 

 

 

 

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la cellule animale est ronde alors que la cellule végétale est rectangulaire. Elles ont cependant de nombreux éléments en commun: la membrane plasmique (mp), le cytoplasme (cy), le noyau contenant les chromosomes (N), les mitochondries (m), et encore d’autres que je ne détaillerai pas ici.

 

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La cellule végétale est munie d’une paroi cellulosique (pc) lui permettant de s’ériger dans l’air alors que la cellule animale n’en possède pas. Il y a aussi une différence taille entre la cellule animale (plus petite) et la cellule végétale (plus grande). Les cellules animales sont mobiles là où les cellules végétales sont « enfermées » dans un squelette cellulosique. Les cellules végétales partagent toutes le même cytoplasme car les plasmodermes (pl) sont des sortes de tunnels de communication entre les cellules qui permettent la libre circulation du cytoplasme d’une cellule à l’autre. Il n’y a pas de phénomène similaire entre les cellules animales.

 

 

 

 

Attention qu’il existe toujours l’exception qui confirme la règle et donc les attributs végétaux peuvent parfois se retrouver dans le monde animal et vise versa! Ici, ce qui est exposé sont les grandes tendances qui structurent le monde végétal et animal.

Si on doit définir le soi et le non-soi, dans le cas des cellules, on voit déjà qu’au niveau végétal, cette communication constante des cytoplasmes engendre un phénomène de fusion entre les cellules qui, bien que distinctes par les parois cellulosiques, sont en communication constante par le liquide interne, le cytoplasme. On en vient donc naturellement à se demander …

Qu’est-ce qu’un individu animal? Végétal?

Un individu est caractérisé par le fait qu’il est indivisible. Qu’on ne peut pas recréer un individu à  partir d’un morceau d’un autre individu. C’est donc ici que cela se corse lorsqu’on veut comparer les plantes et les animaux. En effet, il est clair qu’en séparant différentes parties d’un humain par exemple, on ne va pas avoir plusieurs humains qui continueront à  vivre !

john difool

Il en est tout autrement des végétaux !
Qu’est ce qui est un individu ?
Un chêne ? Un framboisier ?
Les jardiniers le savent bien, les végétaux se multiplient aisément par bouturage, marcottage, sans que ni l’individu-mère ou fille ne meurent!

bouturage
En réalité, l’individu est représenté par le bourgeon chez les végétaux et on doit plutôt parler de colonie d’individus dans le cas des plantes puisque sur un chêne centenaire, on retrouvera de très nombreux bourgeons qui, séparés par un marcottage ou bouturage, pourront développer une plante exactement similaire à  la plante mère, un clone.
Il en est tout autrement des animaux…si on veut transposer le fonctionnement des plantes aux animaux, on se retrouve avec des choses bien étranges!

individu plante-animal

 

Décidément, les plantes sont bien à  part ! On peut plutôt comparer les plantes à  des coraux dans leur fonctionnement… si on transpose encore cette façon coloniaire qu’on les plantes de fonctionner, on obtiendrait ceci pour les humains!

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On voit donc qu’il n’est pas aisé de définir exactement la limite entre le soi et le non-soi, en tout cas d’un point de vue biologique… le vivant est tellement créatif et infini dans cette créativité qu’il serait très réducteur de s’arrêter à une conception uniquement humaine pour interpréter le monde. Les catégories que nous établissons entre les genres, les espèces, les familles et les règnes animal, végétal et autres ne sont que des concepts émergeant d’une pensée humaine en besoin de classification. La nature ne fait pas attention à ces catégories et les mélanges, les évolutions ne cessent dans le monde vivant et non-vivant.

En revenant à la philosophie Samkhya, on a vu les concepts de la nature changeante (prakrti) et de l’âme permanente (purusa).  Dans le cas des plantes, on pourraient imaginer qu’un chêne est une colonie d’individu!!! Chacun avec sa propre nature. A ce sujet, Francis Hallé a étudié en forêt tropicale où il a pu mettre en avant que des parties d’arbres et leurs bourgeons avaient développés des différences de gènes car ils évoluaient à des hauteurs différentes et prenaient des sortes de fonctions différentes! En bref, sur un même arbre, il est possible de trouver des gènes qui varient alors qu’on pourrait croire que cet arbre constitue un individu avec un matériel génétique unique et propre à lui seul. Il n’en est pas ainsi puisque les végétaux fonctionnent plutôt comme des coraux…en colonie!

 

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Le yoga, c’est l’union du soi individuel et du soi universel…

et le soi universel, comment le définir ?

Qu’est-ce que le Soi universel ?
Pour réfléchir à  ce concept, je me suis référée à  quelques lois universelles … qui relient les êtres vivants et le non-vivant également.
Il y a les éléments qui régissent les grands flux terrestres et qui sont liés à  l’eau, à  la terre, au feu, à  l’air et à  l’éther…
Il y a les lois physiques comme la loi de la gravité qui régit l’espace…
Il y a aussi les « patterns », ou les modèles, les structures qui se répètent dans la nature… en voici quelques-uns….

Des patterns concentriques où l’organisation de la structure se définit à partir d’un centre: les fleurs dites à symétrie radiaire, les champignons à chapeau et pied, les toiles d’araignées, certains coquillages…

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Des patterns en réseau où l’organisation de la structure part d’un point et se ramifie: les cristaux de neige, les arbres, les bassins hydrologiques, les fougères, les rameaux…

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Cette notion de structures récurrentes est présente également dans le yoga et BKS Iyengar l’a fortement mise en avant par l’alignement du corps externe pour redonner une harmonie (de l’espace, de la circulation, de l’oxygénation…) au corps interne.

BKS Iyengar Yoga Convention, London

Observer son environnement et s’observer soi-même permet d’établir des liens, des ponts entre tous ces éléments qui paraissent externes à soi et ceux qui sont internes. Cela revient à faire un premier travail d’analyse, de discrimination, de séparation des éléments pour ensuite chercher ce qui les relient…

Dans la pratique du yoga, lorsqu’on éveille les pieds, les doigts ou toute autre partie du corps, la conscience y est présente, ce qui permet ensuite d’établir un lien, un pont entre les pieds et les mains, en traversant tout le corps! Séparer pour ensuite relier. Séparer le soi du non-soi pour ensuite relier le soi au soi universel et se fondre dans l’union au tout, voilà le but du yoga.
Nous sommes un mini cosmos, composé des mêmes atomes de départ, les atomes de la vie : CHON (Carbone, Hydrogène, Oxygène et Azote). Nous pouvons comparer le sol à  un énorme estomac qui digèrent, avec l’aide de nombreuses bactéries, les molécules plus complexes pour les rendre disponibles sous forme de molécules simples. Nous sommes fait de l’univers et l’univers est fait en partie de nous, il n’y a pas de dualité. L’homme créé la dualité entre lui et la nature lorsqu’il ne suit pas ses lois et tente de la dominer. Il créé des déséquilibres importants sur soi et son environnement. Dans le cosmos, a ce qu’on sait, il n’existe pas de planète abritant la vie comme c’est le cas de la terre.

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BKS Iyengar dans « Light on life »:
« As mammals, we are homoestatic. That means we maintain certain constant balance within our bodies, t° for ex by adapting to change and challenge in the environment. Strength and flexibility allow us to keep an inner balance, but man is trying more and more to dominate the environment rather than control himself. Central heating, air conditioning, cars that we take out to drive three hundred yards, towns that stay lit up all night, and food imported from around the world out of season are all example of how we try to circumvent our duty to adapt to nature and instead force nature to adapt us. In the process, we become both weak and brittle.» p 24

 

 

Je me suis inspirée pour le texte ci-dessus, des explications sur les arbres de Francis Hallé, botaniste passionné des arbres. Voici une de ces conférences:

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